Accueil > Industrie > Observia : l’observance comme obsessionObservia : l’observance comme obsessionNée en 2011, la société Observia développe des solutions e-santé d’accompagnement, destinées à mesurer et améliorer l’observance des patients. La prise de conscience par les industriels et les payeurs publics de l’importance stratégique de l’adhésion à un traitement se traduit aujourd’hui par des perspectives de marché florissantes. Par Romain Bonfillon. Publié le 07 février 2023 à 22h18 - Mis à jour le 20 février 2023 à 15h07 Ressources La notion d’observance peut se définir comme le rapport entre ce que le patient fait et ce que le médecin dit. Si certains lui préfèrent aujourd’hui l’expression moins passive d’ “adhésion thérapeutique”, tous situent son essor au début des années 2000, avec la publication d’un rapport de l’OMS. S’appuyant sur des chiffres alarmants (aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Venezuela, seuls 30%, 7% et 4,5 % des patients respectivement contrôlent correctement leur tension artérielle), l’OMS fait alors remarquer que “l’amélioration de l’observance donne de meilleurs résultats sanitaires que l’avènement de nouvelles technologies”. Observia naît en 2011 et fait le pari d’utiliser ces nouvelles technologies pour offrir, entre deux consultations, des services utiles aux patients atteints de maladies chroniques. Ces derniers, analyse Sylvain Bonnet, directeur général EMEA (Europe, Middle East, and Africa) d’Observia, se retrouvent dans la situation où il vont devoir devenir des athlètes de haut niveau, devant affronter une compétition tout le reste de leur vie, sans entraînement et sans coach !”La genèse de la sociétéC’est à l’hôpital Cochin, au sein de la pépinière Paris Biotech Santé, puis de son incubateur, que la start-up Observia voit le jour. En 2015, Sylvain Bonnet, rejoint la structure qui ne compte alors que 10 collaborateurs (ils sont 62 aujourd’hui). “Nous sommes en fait une vieille start-up, constate Sylvain Bonnet, dans le sens où notre business model est stable et où nous continuons à investir beaucoup en R&D. Tout ce que nous gagnons est réinvesti dans nos produits”. La société, dont le chiffre d’affaires 2022 est de 5 M€ a pour l’instant fait le choix de l’autofinancement.“La France, qui représente environ 40% de notre CA, est finalement notre marché le moins dynamique”Sylvain Bonnet, directeur général EMEA d’ObserviaSon marchéSylvain Bonnet, directeur général EMEA (Europe, Middle East, and Africa) d’ObserviaLe marché d’Observia est composé à 80% d’industriels du médicament ou du dispositif médical. Les 20% restants sont constitués d’institutionnels (hôpitaux, ARS, payeurs publics) qui veulent mettre en place des services pour améliorer l’expérience de leurs utilisateurs finaux, qui sont les professionnels de santé ou patients. La société compte parmi ses clients des acteurs comme Lilly, Sanofi, Baxter, UCB, Takeda, Celgene BMS, Bayer, Abbott. “Nous travaillons avec le top 10 des labos pharma du monde”, résume le directeur général d’Observia. À date, 60% du chiffres d’affaires d’Observia se réalise à l’international, principalement en Suisse et en Allemagne (20% de parts de marché pour chacun) mais l’entreprise travaille également en Chine, avec l’Indonésie, les Etats-Unis, l’Espagne et le Canada. “La France, qui représente environ 40% de notre CA, est finalement notre marché le moins dynamique”, fait remarquer Sylvain Bonnet, qui regrette que la France ne soit plus un pays pilote en matière de solutions e-santé. “Des pays comme l’Espagne ont un taux d’usage de ces solutions bien supérieur au nôtre. En raison de notre environnement réglementaire, nous n’avons pas de cadre de jeu suffisamment flexible pour apporter, notamment grâce à des financements privés, de la valeur au patient”, analyse-t-il.Les différents points de valeur de la bonne observancePour les industriels, le recours à une solution d’accompagnement du patient leur permet de s’assurer du bon usage de leur médicament ou dispositif, et de tenir ainsi, en vie réelle, leurs promesses cliniques. Une étude clinique offre en effet une vision épurée de l’usage d’un médicament puisque, taux d’attrition mis à part, les données présentées ne proviennent que de patients observants. Les comportements sont tout autre dans la “vraie vie”. Morgane Freudiger, directrice marketing et communication d’Observia, cite ainsi une étude qui a démontré que “seulement 70% des patients sont en mesure de bien suivre le protocole aux immunosuppresseurs. C’est la première cause de rejet de greffe, ajoute-t-elle. Lorsque l’on connaît l’enjeu vital, la rareté des greffons, l’impact sur la qualité de vie d’une dialyse, il y a de quoi être choqué”. Autre point de valeur pour un laboratoire, purement économique celui-ci : un taux d’observance moyen de 50% est une perte, qui se traduit tout bonnement par une baisse du nombre de boîtes de médicaments qui sortent de ses entrepôts.Morgane Freudiger, directrice marketing et communication d’ObserviaMais les industriels ne sont pas les seuls à s’intéresser aux solutions compagnon. Au sein de programmes d’ETP (Education thérapeutique du patient) financés par les hôpitaux et/ou les ARS, Observia peut également développer et vendre ses solutions. Ainsi, en collaboration avec le service de réadaptation cardiaque de l’hôpital Léopold Bellan (Paris), la société a numérisé un programme d’ETP baptisé Atoutcoeur. Le projet, né en 2016 et récompensé en décembre 2022 par le “Prix de l’innovation numérique à l’hôpital” lors des Talents de la e-santé, se traduit aujourd’hui par plus de 30 000 sessions éducatives, dispensées pour le compte de 1300 patients. “Notre objectif est aujourd’hui qu’une ARS s’empare de ce projet et le finance pour plusieurs hôpitaux, confie Sylvain Bonnet. Sur ce type de produits, nous pouvons même envisager une mise à l’échelle nationale, voire internationale. L’impact médical est désormais prouvé, nous sommes en train d’évaluer l’impact médico-économique”.Un “lego technologique”La suite de services proposés par Observia prend la forme d’un socle technologique dans lequel va être développé un univers multicanal – site web, application, SMS, Messenger – à destination des patients, de leurs aidants et des professionnels de santé. Ces supports contiennent à la fois de l’information, de la formation et des outils pratiques comme des agendas, des piluliers numériques, une aide à la consultation, un journal de bord, etc. “Des objets comme une seringue connectée, pour un patient diabétique, peuvent également être reliés à notre plateforme », ajoute Morgane Freudiger.Pour pouvoir apporter à chaque client une solution adaptée à ses besoins (selon l’aire thérapeutique et le profil comportemental des patients, notamment), Observia bâtit ses solutions à partir de briques technologiques. “Cela nous permet de nous adapter aux usages des équipes soignantes, qui sont les premiers porteurs d’un projet”, relève Morgane Freudiger. Les usages, précisément, peuvent être extrêmement divers. “Nous couvrons le champ des maladies chroniques les plus communes, comme le diabète, l’hypertension, l’hyperlipidémie, mais également l’oncologie, car c’est là où les financements et les marchés sont les plus conséquents. Mais nous nous intéressons aussi des pathologies ultra-rares, comme la progeria pour lesquels il n’y a que deux patients en France”, détaille Sylvain Bonnet.Comprendre, personnaliser, engagerJérémy Ruah, directeur produits d’ObserviaPour comprendre l’esprit des solutions, intéressons-nous d’abord à son produit phare, baptisé SPUR. Jérémy Ruah, directeur produits d’Observia, explique : c’est un outil agnostique, testé dans plusieurs aires thérapeutiques et qui, en 24 questions maximum (le questionnaire varie selon les réponses données), permet de mesurer 13 leviers comportementaux qui vont impacter l’observance” (les relations aux autres, la capacité à se projeter dans l’avenir, la réaction à l’autorité médicale, la rationalisation des risques, les capacités financières, mémorielles, etc.) “L’outil permet de faire la lumière sur la complexité de la non-observance”, résume Morgane Freudiger. “À partir de cette compréhension, poursuit Jérémy Ruah, nous pouvons passons aux deux phases suivantes de notre méthodologie : personnaliser et engager”. Baptisée D-TELLS, la brique de personnalisation va pouvoir être utilisée par des assurances et ou des payeurs publics pour “investir” sur les patients qui en ont le plus besoin. L’intelligence de l’outil (“semblable à celle que peut proposer Criteo sur internet pour personnaliser les bannières de pub”, fait remarquer Sylvain Bonnet) va se servir des informations récoltées par SPUR pour faire passer un message au patient. “Selon son profil comportemental, plusieurs types d’intervention – mail, coaching, SMS – sont possibles, explique Jérémy Ruah. L’esprit de la solution consiste à pousser le bon message au bon moment au bon patient…et avec la bonne tonalité !”. Ainsi, selon que le patient est réactif ou non à l’autorité médicale, le message évoluera.Dernier pilier, enfin : l’engagement du patient. “Nous activons les fonctionnalités de notre plateforme en fonction du besoin du patient. Aucune solution n’est lancée sans la participation active d’une association de patients ou de médecins, précise Jérémy Ruah. “C’est d’ailleurs une obligation légale, que l’on appelle “l’action d’accompagnement, explique Morgane Freudiger. Un laboratoire ne peut pas être seul porteur d’un projet à destination des patients”.Le paysage concurrentielParmi les entreprises, qui “situées au-dessus de la mêlée”, peuvent construire des solutions multicanales et adaptées à chaque aire thérapeutique, “Observia n’a actuellement pas de concurrents en France”, fait valoir Sylvain Bonnet. Certaines start-up vont en effet développer des produits propres à une pathologie précise, et difficilement transposables à d’autres. “D’autres, poursuit Morgane Freudiger, vont avoir comme nous une approche agnostique mais monocanale”. C’est le cas de Wefight et de son chatbot Vik, de SKEZI qui s’est concentré sur les questionnaires patients, de Patientys en tant que call-center ou encore de Callmedia, qui a fait des SMS son outil principal.“Notre science consiste à considérer le patient comme un consommateur de services et de produits de santé”Morgane Freudiger, directrice marketing et communication d’ObserviaDerrière l’outil, la science comportementale“Notre science consiste à considérer le patient comme un consommateur de services et de produits de santé, ce qui implique des comportements et des niveaux d’engagement différents, selon les marques et les produits”, résume Morgane Freudiger.Kevin Dolgin, co-fondateur et responsable de la R&D d’ObserviaAussi, afin de créer de la valeur, Observia doit tout autant investir dans la technologie que dans la bonne compréhension des comportements humains. Kevin Dolgin, co-fondateur d’Observia est en charge de la R&D de l’entreprise. À ce titre, il conçoit le socle théorique qui sera plus tard décliné en briques technologiques. “La science comportementale met en lien au moins cinq domaines académiques différents, qui ont tendance à ne pas se parler, explique-t-il : la psychologie, la sociologie, l’économie, la médecine et la science des consommateurs”.“Le comportement du patient peut être abordé de manière aussi scientifique que son état clinique”Kevin Dolgin, co-fondateur ET RESPONSABLE DE LA de la R&D d’ObserviaPiqué au vif lorsqu’on se risque à lui parler de “science molle”, il soutient que “le comportement du patient peut être abordé de manière aussi scientifique que son état clinique”. Car s’il n’existe pas de mesure directe de l’observance, certains indicateurs comme le PDC (Proportion of Days Covered, qui mesure le ration entre le nombre de jours où le patient a réellement pris son traitement, par rapport au nombre de jours à couvrir, ndlr) peuvent permettre d’apporter des clés de compréhension rigoureuses de l’usage d’un médicament.“La définition de l’ESPACOMP (un organisme européen qui s’intéresse à la science comportementale, ndlr), distingue trois dimensions dans l’observance, poursuit Kevin Dolgin : l’initiation, l’implémentation et la persistance. Les trois phénomènes ont des difficultés de mesures différentes et l’on sait par exemple que les phases critiques d’observance dans la sclérose en plaques se situent surtout dans l’implémentation des médicaments oraux et dans la persistance pour les traitements injectables”. Pour aider le patient à modifier son comportement de santé, “beaucoup des techniques que nous utilisons, conclut-il, proviennent des TCC (Thérapies cognitives et comportementales). Nous savons par exemple que dire à un patient ce qu’il doit faire, sans lui expliquer pourquoi, est absolument contre-productif”.Un marché plein de promessesObservia intervient actuellement en phase 4 des essais cliniques (après la mise sur le marché), et entend aujourd’hui remonter dans la chaîne de valeur de l’industriel. “C’est l’un des enjeux de notre croissance que de rentrer dans l’univers clinique, en partenariat avec des CRO pour apporter des solutions complémentaires à l’étude clinique, destinées à améliorer l’expérience patient, l’adhésion au protocole et ainsi limiter le taux d’abandon”. Autre enjeu, et de taille : créer ce combo médicament/DM et compagnon digital. “Les autorités américaines ont demandé cette année à Gilead de mettre en place une solution compagnon à l’un de ses médicaments contre le VIH, c’est une première”, fait remarquer Sylvain Bonnet. “Beaucoup de modèles nous disent que demain, pour valider la mise sur le marché d’un médicament, il faudra venir apporter des outils prouvant qu’en vie réelle, il pourra y avoir une bonne adhésion du patient, notamment pour des traitement très innovants et très chers”, ajoute Morgane Freudiger. Et de conclure : “Les business model évoluent, la T2A est remise en question et l’on teste un peu partout (grâce au dispositif permis par l’article 51 de la LFSS 2018, ndlr) le financement au parcours de soins. La prise de conscience de l’importance de l’observance se fait aussi bien dans les labos, chez les assureurs privés, les patients et les médecins : ça converge de partout !” À noter qu’Observia confie être actuellement en discussion avec Doctolib pour intégrer ses solutions d’accompagnement dans la plateforme de l’éditeur. Affaire à suivre…DTx or not DTx ?Les solutions développées par Observia ne sont pas considérées comme des DM, dès lors que l’information médicale qu’elles délivrent n’a pas d’influence sur la stratégie thérapeutique. “C’est toute la différence entre un dispositif qui créé simplement une alerte et un autre qui va en plus recommander un certain type d’action”, précise Morgane Freudiger. En cela, SPUR et D-TELLS sont des solutions e-santé dérégulées, qui ont, pour Observia, l’avantage de ne pas être soumises au MDR (mais remplissent néanmoins tous les critères RGPD). Reconnaissant que le remboursement constitue, pour les solutions d’accompagnement du patient, “le modèle économique du futur”, Sylvain Bonnet ne se dit pas encore prêt à faire évoluer les siennes, pour qu’elle deviennent des DM puis, idéalement, des DTx remboursées. “Le marché évolue, observe-t-il, mais le jeu n’en vaut pas encore la chandelle. Cela suppose de gros investissements pour avoir peut-être 20 médecins qui le prescrivent et 300 patients qui l’utilisent. Le DiGA allemand est précurseur en la matière, mais on voit qu’en termes d’usage, cela reste très faible. Avec 50 M€ en trésorerie, nous nous poserions sans doute la question, mais aujourd’hui, le jeu n’en vaut pas la chandelle”. Cependant, les règlementations favorisant le remboursement des DMN, “évoluent très rapidement : la procédure de prise en charge accélérée, celle de prise en charge transitoire…tout cela n’existait pas il y a encore deux ans”, fait remarquer Morgane Freudiger.Observia en chiffres Date de création : 201162 salariés (objectif : 100 fin 2024)CA en 2022 : 5 M€Part de marché en France : 40% Romain BonfillonApplication mobiledonnées de vie réelleEssais cliniquesLaboratoiresLogicielMarchémédecinPatientBesoin d’informations complémentaires ?Contactez le service d’études à la demande de mind Nom Prénom Nom Entreprise*Téléphone mobileE-mail* Demande* essentielsSynthèse et historique de tous les contenus sur une thématique suivie en détails par la rédactionLes dernières publications Le nouvel enjeu des données de vie réelleLe cloud souverainLes stratégies multicanales pour la promotionLes essais cliniques décentralisésanalysesSynthèse et historique de tous les contenus sur une thématique suivie en détails par la rédactionLes dernières publications La microfluidique : fleuron de la biotech françaiseComment Qubit Pharmaceuticals veut accélérer la modélisation de médicaments avec NvidiaComment bien préparer un contrôle Cnil ?IA générative : ChatGPT a-t-il un avenir dans la santé?dataLes dernières publications L’index des bilans économiques du LeemLa liste des services référencés sur Mon espace santéLa liste des logiciels référencés dans le cadre du Ségur du numériqueLes principaux acteurs français des DTx